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Entrepreneur (n.m): Travailler si dur pour parfois si peu de résultats.

 Cet article est un récit d’une aventure entrepreneuriale passée avec pour vocation de démystifier l’entrepreneuriat que nous proposent les médias. L’entreprise dont l’article fait mention a fermé ses portes en septembre 2019, suite au défaut d’investisseurs. Retour sur une aventure qui m’a tout couté.

Entre Janvier 2019 et Juillet 2019, ProteinBox a généré 103% du CA réalisé sur l’exercice 2018. Encourageant ? Pas tant que ça. Plutôt rageant d’ailleurs. 

Pour ceux qui découvrent mon aventure entrepreneuriale, ProteinBox était une box mensuelle composée de snacks pour sportifs pratiquants de fitness, crossfit, musculation et triathlon. Le projet entamait sa deuxième année et a été lancé en parallèle de mes études et de mes deux postes en contrat de professionnalisation. Ce ne sont pas des excuses, mais des éléments de contexte.

 

Je m’explique. 

L’entreprise bien que rentable n’était  pas scalable. Et quand je dis scalable, je ne parle pas d’acquérir de nouveaux marchés ou de tabler sur le milliard de CA: je parle de grandir. La faute à son manque de trésorerie. ProteinBox était sous la forme juridique de Micro-entreprise, la plus adaptée pour un projet lancé par un étudiant dont les capacités d’investissement sont proches du néant. Mais c’est aussi sa grande faiblesse: un tel projet de commerce de marchandise nécessite au moins 10K€ de capital social, afin de permettre d’optimiser la chaîne logistique par un lieu dédié (plutôt que mon appartement) et d’investir dans les stratégies d’acquisition, aujourd’hui indispensables pour percer dans la niche hyper concurrentielle du fitness.

Du coup, très peu d’audience. Trop peu pour développer les autres volets du business model auxquels j’ai pensé. Les idées sont là, la stratégie aussi, il ne manque que les chiffres. 

L’heure du mauvais bilan.

Les marges par boxs sont petites, ce qui implique de faire du volume. Mais sans moyen d’acquisition, le volume, je ne l’ai pas eu. Je ne me dégage aucune rémunération et ne faisait que des partenariats avec des influenceurs, là où j’investissais auparavant sur des Socials Ads (dont les factures puisaient directement sur mon compte perso; chose que je ne peux plus me permettre à l’heure actuelle).

Le SEO du site était dégueulasse et nécessiterait du temps que je n’ai pas dû au cumul de mes activités. C’est mon choix, j’ai encore beaucoup de choses à apprendre auprès de personnes plus intelligentes que moi avant de songer à me consacrer à un temps plein sur un projet personnel.

Handicapée par le fait que l’entreprise ne soit reléguée qu’au second plan de ma vie pro et au troisième plan de ma vie perso, l’entreprise ne se développait pas. Les croissances à deux chiffres connues en début d’activité se sont ratatinées. 

Le nombre d’abonnés se maintient et j’ai la chance d’avoir une offre qui plaît puisqu’en moyenne, la fidélité de mes abonnés se mesurait sur une échelle de 7mois consécutifs. Le churn rate est faible. Mais les marges aussi, la lifetime value d’un client tourne aux alentours des 40€. C’est trop peu et c’est pour ça que très rapidement j’ai cherché de nouveaux axes de business model. Il ne manque qu’une chose: l’audience, le volume, pour crédibiliser ces offres auprès de mes partenaires. 

Cette aventure entrepreneuriale était vécue comme une contrainte: 

  • Je n’avais pas envie de lâcher mes clients.
  • Financière:  avec les quelques soucis de trésorerie de décembre/janvier, impossible d’investir en acquisition.
  • Et merde, j’ai beaucoup bossé, j’ai beaucoup sacrifié pour ce projet, je n’ai pas été si loin pour arrêter maintenant. J’ai toujours cette petite voix en tête qui me dit que ça vaut le coup de continuer, même si au final ça n’est peut-être pas la solution. Et cette petit voix, presque un an après avoir arrété le projet me culpabilise toujours. Ce “what if” me hante encore.

 J’adorais ma relation avec mes clients. C’étaient d’ailleurs pour certains plus des associés que des clients. Travaillant seul, le meilleur moyen que j’ai trouvé pour améliorer offre et projet est d’impliquer directement les clients dans les réflexions.

 Personne de mon entourage n’était en capacité de porter le projet avec moi ou de participer à la love-money pour passer à une autre structure. Bref, le serpent se mordait la queue. Parce que c’est ça, la vraie vie d’entrepreneurs. C’est tenter quelque chose seul, se planter, recommencer, arrêter, culpabiliser et parfois se retrouver à pleurer, seul, devant son PC parce qu’on n’arrive plus à se divertir, on ne fait que bosser, on ne fait que produire et que malgré tous nos efforts, ça ne fonctionne pas.

 Et pour la suite ?

A fin septembre les questions suivantes se sont posées: 

  • Continuer seul avec la même implication qu’en juillet (c’est-à-dire trop peu pour que le projet décolle)?
  • Identifier un associé capable de travailler avec quelqu’un qui ne fera pas de ce projet sa priorité business.
  • Revendre le site internet et sa base client.
  • Ou le fermer, faute de repreneur.

 C’est donc la dernière solution qui a été retenue, après le défaut de plusieurs investisseurs, des deals de revente qui n’ont pas abouti et plus l’énergie pour continuer. Ce projet m’a drainé. Et aujourd’hui, il me hante encore. J’ai beaucoup aimé animer la vie de cette entreprise, la mener comme je l’entendais. J’ai beaucoup donné, sans forcément recevoir. J’ai beaucoup perdu, mais pas de temps.

Et le bilan positif ?

Comme toute expérience entrepreneuriale, ProteinBox m’a beaucoup appris sur des axes que je ne maîtrisais pas, tels que l’optimisation des coûts, la stratégie de développement, la logistique, la relation client, les Social Ads, la création d’un site eCommerce, la formalités juridiques et administratives.

Mais le plus gros des enseignements est ailleurs:

C’est surtout des choses beaucoup plus abstraites et liées à ma personne que je retire de ce projet:

  • Lorsque j’étais feignant au lycée, j’étais loin de m’imaginer que je pourrais m’enfiler autant d’heures de boulot. Et que j’en redemanderai.
  • Lorsque j’étais nul dans une matière au lycée ou à la fac, j’étais loin de me dire qu’un jour j’apprendrai de moi-même la comptabilité, le contrôle de gestion, la stratégie d’entreprise, le marketing digital, le soir, en rentrant de mes 2h de sport quotidiennes après ma journée de boulot.
  • Lorsque j’étais timide et réservé, j’étais loin de me dire que je passerai des coups de téléphone à des prestataires hollandais, américains, roumains ou espagnols et que je tiendrai une conversation business en anglais. J’étais loin d’imaginer le culot que je peux avoir désormais. 

J’avais vraiment envie de trancher avec vous cette image que le lobby Startup Nation nous impose en nous disant que tout est tout rose. Les médias spécialisés dépeignent un tableau très bling bling, très success-oriented sur des startups qui lèvent des millions, des managements souples qui donnent aux jeunes générations des étoiles pleins les yeux, pour se rendre compte quelques temps plus tard que les conditions de travail dans certaines boîtes sont immondes.

Entre disruption et fake it until you make it. Entre réelle valeur ajoutée et bullshit dissimulé sous un pitch-deck bien monté sur Canva, il y a ce qu’une bonne campagne RP vous offre et ce avec lequel les entrepreneurs se couchent le soir.

L’entrepreneuriat que je vivais, c’était avant tout un challenge, des grands moments de doute, de solitude, d’apprentissage, de fatigue et de transparence. Au mois de Janvier, ProteinBox était dans le rouge. Et moi aussi à titre personnel. Le challenge était de retrouver l’équilibre et la rentabilité, c’est chose faîte. Je suis trop ambitieux pour me contenter de miettes, mais trop avare de connaissances pour me focaliser sur une seule activité.

J’ai à coeur la transparence, celle de tenir informés ceux qui me soutiennent depuis le début que non, tout n’est pas rose et que tout seul, ProteinBox ne sera resté qu’une TPE.